Un enseignement de l’état d’urgence sanitaire
Attention : je ne dis pas que les services gérés par le Conseil départemental sont inutiles, bien loin de là… mais je prétends que les instances de la collectivité n’ont guère de raison d’être.
L’assemblée plénière qui est composée de 54 élus est réputée débattre au moins 4 fois par an en séance publique de tous les sujets de compétence territoriale.
Toutefois, à l’exception du vote des plus importantes questions budgétaires, l’assemblée a toute latitude pour déléguer ses compétences à une commission permanente se réunissant une fois par mois dans la même composition exactement et tant qu’à faire au même endroit… sans que les citoyens soient autorisés à assister aux débats, et même à en avoir ultérieurement connaissance.
Par ailleurs, en « routine » l’assemblée peut aussi déléguer à son Président un certain nombre d’attributions complétant ses pouvoirs propres pour faciliter le fonctionnement de l’institution.
De manière à en assurer la continuité du fonctionnement et à en favoriser la réactivité pendant la période d’état d’urgence sanitaire, une loi et des ordonnances ont donné quasiment les pleins pouvoirs au Président du Conseil départemental… en lui faisant simplement obligation d’en rendre compte lors de la plus proche réunion de l’assemblée ou de la commission permanente.
Au motif affiché de préserver la collégialité des décisions (et par conséquent d’en partager la responsabilité), l’assemblée départementale d’Ille-et-Vilaine a décidé de réduire le périmètre de la délégation de plein droit accordée à son Président par défaut.
On pourrait croire ces dispositions parfaitement vertueuses, mais voyons voir de plus près.
On n’en voudra pas au Département d’avoir tenu la commission permanente du 30 mars en présence de seulement 6 conseillers sur 54 (c’était conjoncturellement légal : un quorum d’un tiers sur la base des présents et représentés, chacun pouvant disposer d’un maximum de 2 pouvoirs), ni d’avoir annulé sans nous en informer la séance plénière programmée les 9 et 10 avril, ni même de ne pas nous avoir fait part de la tenue d’une séance plénière de pure forme le 27 avril bien que celle-ci soit réputée avoir été juridiquement une « séance publique » (sans rire), puisque nous étions tous confinés du 17 mars au 11 mai.
Mais…
Pourquoi ne pas nous avoir informé de la tenue d’une séance plénière supplémentaire (certes formelle mais réputée publique) le 25 mai, ni de la séance supplémentaire tenue à la sauvette le 22 juin (même punition, même motif) ?… Pourquoi en avoir supprimé les enregistrements audionumériques brièvement disponibles sur le site internet dans la nouvelle rubrique consacrée aux « travaux de l’assemblée » ?… Pourquoi s’être contenté de rendre compte des décisions prises « hors instances » en commission permanente plutôt qu’en séance plénière puisque les réunions de la commission permanente ne sont pas publiques ?… Pourquoi avoir attendu les 7 et 8 juillet pour tenir une séance publique digne de ce nom ?…
Pourquoi ne pas avoir sollicité Rennes Métropole pour disposer d’une salle de réunion dans laquelle le Conseil départemental aurait pu se réunir au complet en toute sécurité, ne serait-ce qu’à compter du 15 mai (il y a 112 conseillers métropolitains, tandis qu’il n’y a que 54 conseillers départementaux et la ville de Rennes y a bien tenu le conseil municipal sur la base de 61 élus) ?…
Pourquoi ne pas avoir tenu les conseils en visioconférence pour que tous les élus puissent participer, ni avoir procédé à des retransmissions vidéo à destination des citoyens depuis la salle équipée de Rennes métropole pour que les séances soit réellement publiques, comme y ont veillé par exemple la ville de Rennes, Rennes métropole et la Région Bretagne ?…
Qu’est ce qui a pu à ce point faire obstacle à la continuité du fonctionnement démocratique au Conseil départemental ?…
Doit-on y voir un échec des dispositions récemment prises en matière de télétravail pour la préparation des instances ou bien plutôt une absence de volonté de constituer un échelon territorial réellement démocratique… une incapacité à le faire, une inutilité à le faire, une parfaite inconscience de la problématique ?…
En ce qui me concerne, j’y vois surtout la démonstration que si l’on ne peut certainement pas se passer des services rendus par la collectivité, on peut très bien se passer du Conseil départemental puisqu’en pratique c’est ce qui s’est passé pendant près de la moitié de l’année.
Brasser de l’air, c’est utile en ces temps de canicule… Voilà sans doute pourquoi on maintient ces instances en place !! 😉
J’admire la constance de Patrick et ses tentatives pour « garder la foi » dans des élus pour qui la démocratie n’est tout au plus qu’un mot dont ils se gargarisent et qu’ils répètent à l’envi pendant les campagnes électorales mais dont la pratique élémentaire est mise au rancart pendant leur mandat… Et après, ils font semblant de s’étonner des taux records d’abstention ! Peu leur chaut d’être élus par 20% d’électeurs, leurs indemnités leur sont quand même versées !!!
Tiens, j’observe aujourd’hui que les enregistrements, délibérations et rapports des séances plénières des 25/04, 25/05 et 22/06 concernant « l’encadrement de la délégation de pouvoirs de plein droit au Président pendant la crise sanitaire du covid-19 » ont réapparu sur le site du Département.
Preuve une nouvelle fois que ce blog est attentivement suivi par la collectivité.