En toute impunité
La mémorable allocution du porte-parole de la République, le 19 juillet 2018, au lendemain des révélations du Monde portant sur le comportement d’un adjoint au chef de cabinet du Président, restera à tout jamais gravée dans les mémoires.
Dans ce morceau de bravoure aux accents soviétiques, Bruno Roger-Petit atteste de la SANCTION disciplinaire infligée au sieur Alexandre Benalla – réputée la plus grave jamais prononcée contre un chargé de mission travaillant à l’Elysée – qui lui a été notifiée immédiatement après les événements du 1er mai.
Récusant toute possible impunité, le Président de la République lui-même ainsi que ses collaborateurs vont par la suite tenter de circonscrire le sujet à la question de la PROPORTIONNALITÉ DE LA SANCTION à la faute.
Il faut pourtant bien admettre qu’à ce jour la question n’est certainement pas celle de la proportionnalité de la sanction à la faute puisqu’en pratique : AUCUNE SANCTION d’aucune sorte n’a été infligée à Alexandre Benalla, ni pour sa participation aux opérations de maintien de l’ordre du 1er mai, ni pour quoi que ce soit d’autre depuis.
Il suffit en effet de lire attentivement l’article 43 du Décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat pour bien comprendre qu’une mesure conservatoire (en l’occurence une suspension) n’est en rien une sanction disciplinaire (contrairement â une exclusion temporaire par exemple) et qu’en outre cette mesure conservatoire ne peut pas emporter suspension de traitement.
Par ailleurs, ni au cours de cette SUSPENSION, ni d’ailleurs par la suite, il n’y a eu quoi que ce soit qui s’apparente à une « RÉTROGRADATION » du « chargé de mission » qui est resté « chargé de mission », a continué à bénéficier des mêmes émoluments et a continué à bénéficier des moyens jugés utiles à l’exercice de sa mission, dont par exemple un véhicule de service personnalisé, un permis de port d’arme ou encore jusqu’à ces tous derniers jours une autorisation de circuler dans les locaux de l’Assemblée Nationale, y compris dans l’hémicycle. Lui même prétend avoir désormais plus de travail qu’avant.
En droit du travail, on ne peut pas « rétrograder » un agent contractuel de l’Etat et, en réalité, il n’y a eu – en tout et pour tout – qu’un RECADRAGE de l’homme et de sa mission.
De plus, l’AVERTISSEMENT « sans frais » qui lui a été signifié n’a strictement rien à voir avec la procédure d’avertissement prévue à l’article 43.2 du décret susvisé.
Bref, en guise de sanction(s) il est patent qu’à ce jour il n’y a eu, tout au plus, que des RÉPRIMANDES.
Au demeurant et à supposer que la suspension et l’avertissement aient pu être considérées comme des mesures disciplinaires, il n’aurait pas été possible de les cumuler.
Tout cela explique bien que le directeur de cabinet ait cru devoir préciser que ce qu’il a qualifié à tort de sanction « a en tous cas été RESSENTIE comme telle par l’intéressé ».
Quant à une possible sanction à venir au terme d’une procédure de licenciement sur la base d’un nouveau fondement, j’ai bien noté qu’il n’était pas possible de l’engager par un entretien préalable pendant la garde à vue d’Alexandre Benalla.
Mais je n’ai pas entendu dire qu’elle l’avait été depuis que cette garde à vue a été levée et je m’interroge sur ce qui, jusqu’à plus ample informé, m’apparaît comme du pur attentisme.
Je m’interroge d’autant plus sérieusement qu’Alexandre Benalla, qui a déclaré ce jour à la télévision avoir été licencié (comment ça ?), s’est présenté vers 13h00 à la fourrière pour y récupérer le véhicule Renault Talisman de la flotte présidentielle qu’il avait garé en stationnement gênant sur le trottoir d’une rue adjacente du tribunal d’instance juste avant d’être placé en garde à vue (source : Le Point, sur la base d’une information confirmée par les services de l’Elysée), accompagné semble-t’il d’un gendarme de la Présidence.
Voir aussi : Non, Benalla n’a pas encore été licencié
Compte tenu des délais de convocation à l’entretien préalable et des délais de notification d’un licenciement suite à un entretien préalable, il ne m’apparait pas du tout certain qu’à ce jour Alexandre Benalla soit effectivement licencié.
Je trouve qu’il y en a qui sont très méchants.
Déjà, au départ, Alexandre Benalla n’a jamais frappé quiconque : il a juste donné un coup de main.