Pourquoi tant de ñ ?
S’exprimant sur le prénom Fañch qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours, François nous interpelle :
« Au delà des Lois, Règlements, Jurisprudences et Circulaires ministérielles, quelqu’un s’est-il soucié de la vie de ce gamin qui sera obligé de justifier, corriger et ajouter toujours ce tilde incongru (et a priori hispanique) sur son prénom ? Le prénom que l’on donne à un enfant est la première chose qu’on lui donne après la vie. En vertu de quel caprice linguistique égotiste parental doit-on la lui compliquer dès sa naissance ? Nos enfants sont-ils donc d’avance si exceptionnels qu’il soit si urgent de les distinguer des autres dès leur sortie du placenta maternel ? Après tout, Einstein s’appelait Albert, Descartes René, Prévert Jacques et Mozart Wolfgang… Le bon sens… le bon sens… le bon sens… »
C’est clair : je ne partage pas ce point de vue.
Je m’exprime d’abord du fait de mon expérience personnelle.
J’avoue en effet ne pas tenir rigueur à mes parents de m’avoir légué un patronyme comportant un signe diacritique, certes reconnu dans la langue française, mais que j’ai été obligé d’abandonner quand je me suis créé mon adresse de courriel. Je ne leur tiens pas davantage rigueur de m’avoir « affublé » de 6 prénoms, bien qu’une telle quantité ne soit pas sans poser problème par exemple à certaines polices aux frontières. Et je ne leur en veux pas enfin de m’en avoir donné deux, qui – en dehors de ma Bretagne natale – sont en principe des prénoms féminins qui ne manquent pas d’interpeller dès que je m’éloigne un peu de mes racines.
Je ne crois pas qu’ils aient fait ça par égotisme, comme le prétend François, car si tout cela n’est sans doute pas ce qu’il y a de plus facile à porter, il me semble que dans ces partis pris – que je crois réfléchis – il y avait et il y a toujours du sens.
De même, en donnant à ma fille le prénom de Maxime qui n’est guère féminin au nord de la Loire, j’ai davantage eu le sentiment de contribuer à forger son caractère en me mettant à son service plutôt qu’à me comporter de manière narcissique.
J’observe de surcroît que, dans le temps comme dans l’espace, la question précise du tilde n’a manifestement jamais été tranchée.
D’abord, je sais bien que la culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié… mais quand même : il semble que la langue française ait fait usage de ce tilde jusqu’au XIXème.
Ensuite, de nos jours, ce n’est que par la voie d’une récente instruction ministérielle que le tilde s’est vu exclu de la liste des signes diacritiques autorisés pour les prénoms, alors même qu’il est admis à l’état-civil pour les patronymes d’origine étrangère, que l’on ne rechigne pas trop à l’utiliser pour écrire cañon et que n’importe quel clavier informatique nous le propose sans que nous ayons à le chercher bien longtemps si on y met un peu de bonne volonté.
Non, vraiment… je crois qu’il y a surtout derrière ces débats la question de la reconnaissance des langues régionales et que l’engagement du nouveau Président de la République à ratifier la Charte européenne des langues régionales et minoritaires dès son élection devrait en toute logique conduire la France à ratifier dans la foulée la convention relative à la Commission Internationale de l’Etat-Civil qui autorise ben évidemment ce fameux tilde.
Je crois que ce faisant, l’on se grandirait.
Et puis, bon sens contre bon sens : n’oublions pas que le prénom Tilde, comme le prénom Kawrentin par exemple ne posent aucun problème à l’état-civil.
Enfin, et tant qu’à faire, je termine ce billet en posant la question de savoir si nous avons réellement besoin d’un accent aigü, d’un accent grave et par dessus le marché d’un tilde, alors que des gens très sérieux prétendent que l’on pourrait s’en tenir à un seul signe diacritique, horizontal, que l’on appelle généralement l’accent plat.
Ça ne s’invente pas et je vous invite à le vérifier ICI : cet accent plat s’appelle aussi le… macron.
C’est un signe plutôt « tous terrains » puisqu’il a le mérite d’exister dans les alphabets latins, grecs et cyrilliques.
On ne rigole pas.
Aucune haine ici…
La « celtitude » est à la mode, certes.
Au point d’ailleurs de donner ridiculement des noms bretons à des rues de Condate, où, de mémoire de gallo-romain, on n’a jamais parlé breton, mais la lange gallèse (le « gallo »).
N’étant cependant breton, ni de naissance ni de culture, je ne peux que forcément m’incliner. :ty: :ty:
Mais on ne m’empêchera pas de penser que prénommer un enfant d’un phonème compliqué à écrire (y compris sur un clavier d’ordinateur, ne t’en déplaise Patrick…) est une absurdité « egoculturelle ».
Aussi absurde d’ailleurs, pour ma part, que de le baptiser catholique, protestant, israélite, musulman ou autres…, ce que l’on peut définir comme « egothéologique ».
(Tiens, voilà deux néologismes dont j’userai volontiers à l’avenir !)
Efforçons-nous, en tant que parents, de ne pas prédéfinir dès la naissance les choix de nos enfants dont la pensée est encore à venir.
Car on s’étonne que certains d’entre eux finissent par se couper totalement de parents qui leur ont imposé d’autres valeurs que celles d’un simple humanisme des Lumières.
Si ce « Fañch » doit un jour se sentir « breton », ce ne sera certainement pas grâce à ce tilde incongru…
C’est mon opinion.
Et, comme disait Pierre Dac, je la partage !
Mais tout ceci fait beaucoup de bruit pour rien (si ce n’est sur le strict plan juridique où je peux alors rejoindre forcément Patrick).
Mais par pitié, le bon sens… le bon sens… le bon sens…
Etant Breton et bretonnant, je n’en ai rien à cirer de la celtitude ni des algo-rythmes. Les prénoms bretons existent depuis deux mille ans, ce n’est pas à une circulaire parisienne de décider du contraire. J’ai prénommé plusieurs enfants, ils ont probablement été influencés par mon choix, ou peut-être pas. Ils choisissent aujourd’hui les prénoms de leurs enfants. Je crois savoir que le bon sens, comme le bon goût, ils en décident eux-mêmes sans les maîtres des convenances.