Trop fastoche
Après que Rennes Métropole, le Conseil régional de Bretagne et la ville de Rennes aient finalement décidé – tout bien pesé – de conclure avec l’Etat le « pacte financier » institué par la loi de programmation pluri-annuelle des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le Département d’Ille-et-Vilaine a décidé ce 29 juin 2018 de le signer également.
Souvenons-nous de la chronologie de la décision.
Le Département a d’abord soutenu qu’il n’était pas légitime d’appliquer un même plafond d’évolution des dépenses à des collectivités dont les missions et par conséquent les charges peuvent être différentes.
La réalité est que la progression des dépenses convenues par contrat n’est pas uniformément de 1,2 % puisqu’elle peut varier de 0,75 à 1, 65 %.
Le Département a ensuite fait valoir l’augmentation de sa population ainsi que son vieillissement, ayant mécaniquement pour effet d’alourdir ses charges.
Il se trouve que ces caractéristiques figurent précisément parmi les critères à l’origine de la fourchette ci-dessus.
Le Département a simplement omis de rappeler qu’un des objectifs de la loi est d’éviter que ne se creusent encore les écarts de richesse entre les collectivités.
Or, force est de constater que ce département n’est – de loin – ni le plus vieux, ni le plus vieillissant, ni le moins riche des départements, ni – en particulier grâce à la Métropole et désormais à la Région qui sont en charge des questions économiques – celui dans lequel le taux de chômage serait le plus pénalisant en termes d’allocations individuelles… tant s’en faut.
Tout ceci pris en considération par la loi, il bénéficie à ce stade du raisonnement d’un taux maximum d’évolution de ses dépenses réelles de fonctionnement de 1,2 %.
Réuni en session qualifiée à tort d’extraordinaire, le Conseil départemental a indiqué ce matin que ceci l’exposait à un dépassement, et donc en définitive à une sanction financière de 9,4 millions d’euros environ.
Alors, le Département d’Ille-et-Vilaine en est venu à plaider, dans un cadre national avec les autres départements, que soit exclues de la base de référence du dispositif les dépenses qu’il estime découler des décisions de l’Etat.
Voyons voir ce qu’il en est du résultat de ces négociations, qui nous est présenté comme ayant été localement acquis de haute lutte.
Sont finalement exclus du dispositif :
Les travaux d’investissement réalisés en régie (évalués entre 2 et 3 M€, retenus pour 2,5 M€)
Il n’y a rien de plus naturel, et je doute que les Départements aient eu beaucoup de mal à se faire entendre sur ce sujet, tant il est vrai qu’il s’agit de dépenses d’investissement ne faisant que transiter par le budget de fonctionnement en vertu de règles purement comptables, en étant simultanément compensées par une recette du même montant. (ceci n’a rien à voir avec des décisions de l’Etat : c’est de la pure comptabilité de dépenses qui ne sont évidemment pas des dépenses réelles de fonctionnement)
La prise en charge du surcoût de l’accompagnement des mineurs handicapés (évalués entre 3,5 et 4 M€, retenus pour 3,6 M€)
Ceci n’est pas un acquis local, mais un acquis de la négociation nationale conduite par l’Assemblée des Départements de France, dont le Département d’Ille-et-Vilaine ne saurait se targuer que pour sa contribution au débat.
A cela s’ajoutent d’autres éléments qui ne semblent pas spécifiques au Département d’Ille-et-Vilaine, soit la prise en compte :
- des nouveaux dispositifs MAIA (méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie) pour 0,5 M€
- des avances de fonds FSE (Fonds social européen) pour 0,1 M€
Au total, il semble bien que la seule avancée d’origine locale, et par conséquent à mettre clairement au compte de la collectivité, soit la prise en charge partielle du surcoût de la maintenance informatique des collèges qui depuis 5 ans aurait dû être assurée par le Conseil départemental et qui jusqu’à présent ne l’était pas, pour 0,3 M€.
Le total représente 7,0 M€ sur les 9,4 M€ incriminés puisque les autres prétentions du Département n’ont pas été retenues.
Et c’est là que le Département se souvient opportunément que chaque année le taux d’exécution de son budget n’est jamais que de 98 % !…
Bref, il estime qu’en définitive et à ce jour, « on est dans l’épaisseur d’un trait », et même qu’il ne jurerait pas qu’il ne soit pas en mesure de respecter l’objectif !…
C’est à partir de ce moment là que Christophe Martins, Vice-Président chargé notamment des finances et rapporteur de la question, a effectué un superbe virement sur l’aile.
Au plan des principes comme au plan pratique, il s’est quasiment enflammé pour expliquer en substance qu’il n’y avait rien de plus vertueux que de contracter avec l’Etat puisque l’Etat c’est nous !!!…
Tout ça pour ça.