Dans le secret des dieux

La bouche en cœur, le président du Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine, Jean-Luc Chenut, a déclaré ce 17 décembre 2015 à l’assemblée que se tiendrait le 8 janvier 2016 une « session privée » consacrée à la question de savoir :

« où en est la situation budgétaire du département et ce que sont les perspectives ».

Tenez-vous bien :

« une session privée parce que je souhaite que l’on puisse travailler le plus sérieusement possible. Je ne dis pas que l’on ne peut pas travailler sérieusement quand les médias sont là, mais… » (la phrase s’est arrêtée là, tout net).

Je trouve EDIFIANT que personne n’ait fait état de cette déclaration et AHURISSANT qu’aucun journaliste ne se soit indigné des propos qui ont été tenus.

Ceci, au moment même où la loi NOtre, portant nouvelle organisation territoriale de la République, vient de consacrer juridiquement l’importance du « débat d’orientation budgétaire » qui est destiné à permettre « une plus grande information des assemblées délibérantes et des administrés sur l’évolution de la situation financière des collectivités et sur la performance de leur gestion » (extrait de l’exposé des motifs).

Ceci, au moment même où dans le but d’améliorer « la transparence financière et la démocratie locale », il est désormais fait obligation aux départements de prendre une délibération spécifique à ce sujet, dans le délai de deux mois avant le vote du budget.

J’ai bien recherché : jamais le département d’Ille-et-Vilaine n’avait encore délibéré « à huis clos » (c’est l’expression officielle), et je ne connais aucun autre département de la région qui ait osé le faire sur cette question, même pas le Finistère cette année où le débat semble avoir été assez tonique (j’avoue que je ne suis pas allé voir plus loin, à quoi bon ?…).

anotretour

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Yann Robig
Yann Robig
22 décembre 2015 16 04 27 122712

ce qui en dit long sur l’état de la presse locale.

Jean-Pierre Levrel
Jean-Pierre Levrel
22 décembre 2015 17 05 11 121112

Au plan des principes, il convient toutefois de distinguer la séance privée de la séance à huis clos.

Une séance à huis clos est une séance ordinaire au cours de laquelle le président demande le huis clos pour un ou plusieurs points de l’ordre du jour. Le huis clos ne peut pas être « programmé » à l’avance ; il est demandé une fois la séance ouverte et nécessite la majorité absolue des membres présents et représentés. Une séance à huis clos requiert le respect des conditions habituelles de légalité et aboutit à des délibérations en bonne et due forme du conseil.

A contrario, une séance privée doit être vue comme une séance informelle, préparatoire à une séance ordinaire. Elle permet un premier échange de vues sans prise de décision (qui serait d’ailleurs illégale). Elle ne requiert d’ailleurs pas le respect des conditions habituelles de légalité (convocation…) Elle n’est pas ouverte au public. Les discussions sont libres.

Le « risque » d’un tel procédé est que, si le conseil est arrivé à un consensus en séance privée, le vote peut très bien avoir lieu sans débat au cours de la réunion de conseil qui suit, privant le public de la connaissance de l’exhaustivité de l’argumentaire développé et des options étudiées.

Tout se passe, finalement, comme si la question budgétaire était traitée en commission permanente. Drôle de façon de responsabiliser les citoyens-électeurs.

Jean-Pierre Levrel
Jean-Pierre Levrel
22 décembre 2015 18 06 26 122612
Répondre à  Patrick Jéhannin

Entièrement d’accord. Du point de vue des obligations légales, une séance (ou session) privée n’a strictement aucune valeur.