Un petit rappel, ça ne fait pas de mal
Un petit rappel des faits de temps en temps, ça permet de prendre du recul
16 janvier 2013 : à l’occasion de la cérémonie de vœux à la presse, Jean-Louis Tourenne présente la démarche qu’il a décidée pour dégager une appellation des habitants qui, promet-il, sera soumise à l’assentiment des intéressés.
15 février 2013 : le Conseil général adopte une démarche en 5 étapes incluant la consultation des habitants, dans le cadre d’un budget de 30.000 euros qui « inclut une plate-forme numérique de participation pour le vote citoyen, l’accompagnement du comité d’experts et les partenariats médias. »
18 avril 2013 : passation (sans publicité, ni mise en concurrence pourtant obligatoires) d’un marché public (truffé d’irrégularités) pour la « création et le lancement d’un gentilé pour l’Ille-et-Vilaine », prévoyant une consultation des habitants.
23 mai 2013 : réunion très confidentielle d’un comité dit d’experts, cooptés par Jacques Delanoë et accrédités par Jean-Louis Tourenne, indépendants ni de l’un ni de l’autre, ni les uns des autres, en vue de proposer 2 ou 3 noms au Conseil général.
19 juin 2013 : Jean-Louis Tourenne refuse de révéler au journaliste qui l’interroge sur « France Bleue Armorique » les appellations qui seront soumises à l’assemblée du lendemain, au motif d’en réserver la primeur en séance aux conseillers généraux.
20 juin 2013 : en assemblée plénière, adoption d’une délibération complètement pipée.
Avant même la tenue de la séance, le Président enregistre une vidéo de promotion de l’appellation retenue avec le concours du directeur de l’information de TV Rennes, Stéphane Besnier, afin qu’elle soit publiée sur vimeo.com en tout début de soirée.
Avant le vote, qui intervient un peu après 17h40, un mandataire effectue le dépôt de la marque Bretillien (un pur néologisme) dans les locaux de l’agence locale de l’INPI à Cesson-Sévigné, qui ne reçoit que sur rendez-vous et ferme à 17h00 en semaine.
Le rapport intitulé « Création d’un gentilé pour les habitants d’Ille-et-Vilaine » diffusé en même temps que l’ordre du jour, est remplacé sur table par un second rapport intitulé « Adoption d’un gentilé pour les habitants d’Ille-et-Vilaine », qui stipule d’une part que le choix de l’appellation doit être effectué entre « Bretillien » et « Haut-Breton », et d’autre part qu’il est mis fin à la procédure prévue par la délibération du 15 février 2013.
Le Président estime en introduction que le débat ne devrait durer que quelques minutes et salue Jacques Delanoë, responsable de la modification de l’appellation Côtes-du-Nord en Côtes-d’Armor et du gentilé Costarmoricain » : une réelle imposture, puisque Jacques Delanoë n’a participé d’aucune manière aux opérations de communication qui ont précédé ou accompagné le changement de nom de ce département, ni d’aucune façon à l’adoption ou à la promotion de l’appellation Costarmoricain.
Jean-Louis Tourenne déclare ensuite avec une certaine (fausse) candeur que lors de la seule et unique réunion du comité d’experts : « le débat a été de haute tenue, j’avais des espions dans la salle et j’ai donc été informé heure par heure de l’évolution de la réflexion ».
Le rapporteur de la question, Clément Théaudin, rejette l’idée d’une consultation des habitants « qui coûtera des centaines de milliers d’euros ». Par ailleurs, contrairement à ce qu’indique le compte-rendu intégral de la séance qui lui fait dire au futur simple que « dans trois, six, huit mois ou un an … nous approcherons d’une période électorale » », la vidéo révèle qu’il a déclaré à l’indicatif présent que « comme nous approchons d’une période électorale, les consultations référendaires ne sont plus autorisées » : une contre-vérité, en outre parfaitement inutile puisqu’il n’a jamais été question de référendum.
A la fin des échanges, le Président repousse une demande de vote à bulletin secret en prétextant qu’elle aurait dû être effectuée par écrit, ce qui est absolument faux, puisqu’une telle demande appelle en réalité un vote, auquel il n’a pas été procédé, pour savoir simplement si elle réunit un quart au moins des conseillers présents. Il y oppose en outre une demande de scrutin public qu’il déclare détenir, qui l’emporte en effet en toutes circonstances sur le résultat d’une demande de vote à bulletin secret.
Alors que ledit règlement intérieur prévoit que si une demande de scrutin public est effectuée en même temps qu’une demande de vote à bulletin secret, le vote a lieu – impérativement – au scrutin public, il procède finalement contre toute attente et sans le moindre état d’âme à un vote à main levée, entachant la délibération d’une flagrante irrégularité.
On peut en outre observer que le Président n’a fait voter que sur une moitié de la délibération (le choix entre deux appellations) et pas sur l’autre (le complet renoncement à associer les habitants), alors que ce complet renoncement qui n’était pas prévu à l’ordre du jour a été habilement introduit en dernière minute dans le rapport qualifié de « correctif » déposé sur table, lequel n’est évidemment pas un simple « rapport correctif » puisque son objet même a changé d’intitulé.
Il convient enfin de rappeler, sur le fond, que le Conseil constitutionnel a estimé sans ambiguïté le 29 juillet 1994 que « la liberté de communication et d’expression proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen … implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée » et par voie de conséquence qu’une assemblée délibérante « ne peut régler le vocabulaire à employer que pour les personnes morales de droit public et les personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public ».
Opportunément, la page du site Internet du Conseil général, qui relate la promesse de consultation des habitants, est supprimée dans la soirée du 20 juin 2013. Au sommet de sa mauvaise foi dans les semaines suivantes, « le département reconnaît avoir effectué une ‘mise à jour’ de son portail internet ce jour-là et indique ne pas être en mesure de retrouver la page détruite pour savoir si elle mentionnait une consultation publique. ». Or cette page est restée très longtemps disponible « en cache » du moteur de recherche Google dans la dernière version archivée en date du 10 juin 2013.
3 et 4 octobre 2013 : une première fois « pour raisons juridiques » sans autre précision, une seconde fois pour cause de « respect du secret en matière commerciale et industrielle », c’est-à-dire de respect du « secret des affaires » de Jacques Delanoë, gérant de la société à responsabilité limitée unipersonnelle GFT, le département refuse de communiquer les « livrables » du marché qui a été contracté. Par la suite, le Président du Conseil général en personne y fait deux fois obstruction : une première fois oralement le 14 octobre, une seconde fois par courrier le 22 octobre 2013.
8 novembre 2013 à 15h43 : comme l’avait prévu le journal 20Minutes 3 jours plus tôt, au bout de l’IP 109.2.202.238 qui leur appartient et en se croyant à tort couverts par un complet anonymat, les services du département suppriment sur la page Wikipedia consacrée à l’Ille-et-Vilaine tout ce qui témoigne de l’irrégularité de la procédure.
10 janvier 2014 : la CADA notifie son avis du 19 décembre 2013 et fait savoir qu’elle juge infondée la position du Président du Conseil général, qui refuse obstinément de communiquer les pièces du marché passé pour « la création et le lancement d’un gentilé pour l’Ille-et-Vilaine », au motif d’un prétendu « secret des affaires » de pure invention.
L’examen des documents confirme le fait que le refus de communication n’a reposé que sur la mauvaise foi et révèle entre autres choses, d’une part l’extrême indigence de la prestation pourtant tarifée 17.940 euros, et d’autre part l’exact objectif poursuivi par ce déni de démocratie :