Et si on permutait ?…

Le sulfureux député LREM de la 8ème circonscription d’Ille-et-Vilaine, l’avocat d’affaires Florian Bachelier, vient de relancer la polémique qu’il avait engagée sur CNEWS le 30 mars dernier en qualifiant (à tort) le Directeur Général de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris de « directeur de campagne de Madame Hidalgo » et en soutenant que « la seule chose que Martin Hirsch a prévue depuis un an, c’est de ne rien prévoir » .

S’en étaient suivis de très vifs échanges épistolaires, dont je crois pouvoir faire ici l’économie, au cours desquels Florian Bachelier avait gratifié les médias de tout un florilège de jugements à l’emporte-pièces.

Ce mercredi 21 avril 2021, sans informer qui que ce soit de la direction de l’AP-HP, Florian Bachelier a poursuivi son œuvre en se rendant en catimini à l’Hôtel-Dieu où il a été reçu par le très médiatique docteur Gérald Kierzek.

Et sans le moindre état d’âme, il y a déclaré : « Martin Hirsch, il est au service de l’Etat, il est fonctionnaire. Moi, je suis au service des Français. Je n’ai pas besoin d’autorisation de qui que ce soit, pour me rendre où je veux » … « Je suis son patron » … « Les fonctionnaires, leur patron c’est l’Etat » .

Ceci m’inspire quelques observations :

  • S’il est vrai que par tradition les parlementaires bénéficient de la liberté d’aller et venir comme bon leur semble en dehors même des missions qui leur sont confiées, ils ne sont pas pour autant dispensés d’un minimum de courtoisie
  • Contrairement à ce qu’il indique, l’AP-HP n’est pas un service de l’Etat, mais un établissement public de santé doté de la personnalité morale qui relève de la ville de Paris
  • Au regard des règles de droit régissant l’organisation hospitalière, je ne vois pas comment Florian Bachelier peut dénier toute légitimité d’une part au Directeur général et d’autre part à la Présidente du Conseil de surveillance de l’AP-HP : Anne Hidalgo
  • Contrairement à ce qu’il prétend, si l’emploi de Directeur général de l’AP-HP est bien un emploi supérieur à la discrétion du gouvernement qui est pourvu par décret pris en Conseil des Ministres, ce n’est pas un emploi de fonctionnaire
  • La Présidente du Conseil de surveillance de l’AP-HP, qui n’occupe pas un emploi supérieur à la discrétion du Gouvernement, contrairement à ce qui est le cas dans d’autres institutions comme Gaz de France par exemple, aurait largement mérité la considération qui revient non seulement à sa fonction mais plus précisément encore à son champ de compétence tel que défini par la loi
  • En vertu du principe de séparation des pouvoirs que Florian Bachelier semble complètement ignorer, les emplois à la discrétion du Gouvernement ne sont pas des emplois à la discrétion du Parlement
  • Contrairement à ce qu’il prétend, ces emplois sont encore moins à la discrétion d’un parlementaire en particulier susceptible de se considérer comme étant « le patron» de tel ou tel haut responsable en particulier (en plus de ça : quand ça lui prend et le temps qui l’arrange).
  • La démarche de Florian Bachelier est à mes yeux un chef d’œuvre de ratatouille en ce qu’elle amalgame sans le moindre éclairage la question de l’offre de soins permanente, la question du devenir du très vieil Hôtel-Dieu et la question de la gestion de la crise sanitaire que l’on espère passagère… mais il est vrai que Florian Bachelier n’a peur de rien !… 😉
  • Parfois présenté en conflit d’égo avec le docteur Patrick Pelloux, le docteur Gérald Kierzek qui a reçu Florian Bachelier est à la base un urgentiste, mais surtout un chroniqueur omniprésent sur les chaines du groupe TF1 depuis 3 ans après être intervenu sur plusieurs autres depuis environ 10 ans… en plus d’être désormais notamment le directeur médical de Doctissimo (tout cela lui laissant le temps de réaliser des tonnes d’autres choses encore, bien entendu)
  • On se souvient que le docteur Gérald Kierzek a été démis de ses fonctions de chef du SMUR (service médical d’urgence et réanimation) de l’Hôtel-Dieu le 8 juillet 2013 pour « non-respect des obligations de réserve, manque de loyauté au regard du projet de soin et d’organisation du service et mise en cause du chef de service» après qu’il lui ait été notamment reproché le « non-respect de ses obligations de réserve, de loyauté et de discrétion professionnelle » ainsi que « la rétention itérative d’informations en rapport avec la venue de personnalités politiques ou de média dans le service »
  • Concrètement, il n’avale pas que – pour le cas où il y aurait prochainement besoin de davantage de places du fait de la COVID – l’AP-HP ait préféré armer une salle de 40 lits de réanimation aux normes à la place d’un self à la Pitié Salpêtrière (la semaine dernière) à proximité de structures plus lourdes comme les réanimations déjà existantes avec les équipes existantes, plutôt que de réarmer des lits dans le vieil Hôtel-Dieu qui ne présenteraient pas les mêmes garanties de sécurité.

Et s’ils devaient changer de métier ?

Le docteur Gérald KierzeK répondait le 31 décembre 2015 au Quotidien du Médecin : « Question difficile… J’ai déjà l’impression de faire plein de métiers dont le fil conducteur, c’est médecin. Animateur radio, je ne le conçois pas en dehors de la médecine. Peut-être avocat, puisque j’ai un doctorat de droit… Avocat d’affaires. Pourquoi ? Pour gagner beaucoup d’argent, bien sûr 😉  »

Que l’on me permette donc en conclusion de suggérer que, pour voir,  Florian Bachelier et Gérald Kierzek permutent leurs activités professionnelles qui sont certainement l’une et l’autre aussi lucratives, parce qu’à la réflexion je pense que ce ne serait pas pire.   😉

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