Une fillonnerie locale

Isabelle Le Callennec, député d’Ille-et-Vilaine et néanmoins conseillère départementale, bien connue pour sa proximité avec François Fillon, a publié sur son blog le 12 février 2017 un billet intitulé :

MANDAT DE DÉPUTÉ : RÉTABLIR QUELQUES VÉRITÉS
cliquer pour accéder à ce billet

qui fait apparaître le montant de ce qu’elle a perçu en janvier, tel qu’il figure sur son bulletin de « salaire », nous invite à le diviser par le nombre d’heures de travail et fait observer que la pension moyenne des députés est de l’ordre de 2.700 euros par mois. 

Isabelle Le Callennec oublie de préciser quelques points :

  • ce montant de 5.451,45 euros, qui inclut une indemnité parlementaire de base, une indemnité de résidence et une indemnité de fonction, est un montant net d’un certain nombre de prélèvements et notamment de sur-cotisations qui permettent – mine de rien – d’amplifier le montant des pensions de retraite (un revenu différé)
  • la durée moyenne des mandats de députés conduisant à une pension moyenne de 2.700 euros par mois est de 7 ans (un seul mandat de 5 ans suffit pour toucher une pension de retraite supérieure à celle d’un smicard après 40 ans de service)
  • l’utilisation de l’indemnité représentative des frais de mandat perçue par ailleurs – d’un montant de 5.805 euros bruts mensuels, non imposable – qui est réputée couvrir ce qu’une entreprise finance sous forme de notes de frais, n’est soumise à absolument aucun contrôle… à ce point que certains parlementaires n’hésitent pas à avouer à leurs collègues qu’ils se la mettent dans la popoche. Elle permet notamment de se faire un petit capital en finançant l’acquisition d’une permanence parlementaire par exemple. Elle permet couramment la couverture de frais de carburant, de restauration, de coiffeur, d’habillement… etc…
  • les députés bénéficient par ailleurs d’une enveloppe de 9.618 euros bruts pour la rémunération de collaborateurs
  • il y aurait également lieu de regarder de très près la gamme des autres avantages (clic) associés à la fonction, comme par exemple les facilités de circulation y compris pour les conjoints, les facilités de communication, les frais de courrier… etc… Voir ICI à ce sujet le tout récent article de l’Express concernant « les petites cachotteries sur les frais des députés » (clic)
  • dans la limite d’une fois et demi le montant de l’indemnité parlementaire, le cumul des mandats permet d’arrondir les fins de mois : dans le cas d’espèce, Isabelle Le Calennec bénéficie sans le dire d’une indemnité de conseillère départementale qui s’élève à 2.508,96 euros bruts par mois.

Au total, n’est-ce pas nous prendre pour des niguedouilles que de nous inviter à diviser 5.451,45 euros mensuels par le nombre d’heure de travail ?…

Et au-delà, comment peut-on croire à l’honnêteté intellectuelle de quelqu’un qui se permet une présentation des choses aussi fallacieuse ?

4 commentaires

  • Pierre V.

    Pour les cadres, il n’y a pas de notion de coût horaire. Serait-ce une ouvrière politique à la chaîne ?

    • Michel Deshayes

      Je suis partisan d’une transparence quant à l’utilisation de l’IRFM, et cela finira bien par venir je pense. S’il est vrai que certains parlementaires indélicats ont pu y trouver une source d’enrichissement personnel, ils sont certainement une minorité. Cela ne doit pas jeter le discrédit sur une classe politique bien malmenée, discrédit que les populistes de droite et de gauche attisent. Je crois aussi qu’il faut supprimer la réserve parlementaire, qui me parait d’un autre âge. A ce propos, 16 parlementaires de gauche ont fait connaître en début d’année qu’ils piochaient dans leur réserve pour accorder 80.000 € à SOS Méditérannée. J’approuve sans réserve le soutien à cette ONG qui fait un travail remarquable, mais j’espère vivement que ces parlementaires la soutiennent aussi sur leurs deniers personnels.

      • De mon point de vue, il n’est pas anormal qu’il y ait une indemnité représentative de frais… mais on peut s’interroger sur son montant comme sur sa destination. En tous cas, je suis également d’avis que son utilisation doit être non seulement contrôlée par les assemblées mais véritablement transparente pour le grand public.

        Je pense aussi que tous les parlementaires ne sont pas « pourris », mais ils sont beaucoup trop nombreux à profiter de trop nombreux avantages indus et des trop nombreuses facilités qui leur sont accordées.

        D’accord également pour la suppression de la réserve parlementaire : les élus ne doivent pas pouvoir distribuer des subventions à leur « clientèle »… c’est franchement malsain.

        Il est heureux que des parlementaires aient fait état de leur intention d’utiliser leur réserve au profit de SOS Méditeranée, mais ça reste peu de chose : au total 80.000 euros sur une enveloppe d’environ 2.080.000 euros (sur la réserve 2017 et non sur celle dont la répartition vient d’être publiée sur le site de l’Assemblée nationale), et je trouve que tu as raison de souligner que cela ne devrait pas les avoir dispensé de consentir un effort purement personnel comme le font un certain nombre de citoyens.

  • Je vous suggère la lecture d’un très beau « point de vue », loin de tout populisme, qui émane de Jacques Le Goff, Professeur émérite des universités :

    La terrible drogue du pouvoir (clic)… jusqu’à la perturbation du sens commun (Ouest-France du 7 mars 2017).

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