Encore un mandat spécial… très spécial

Je lis ceci ce jour dans les pages départementales du quotidien Ouest-France :

Maroc

Je commente (en bleu) cet article directement dans le texte de Vincent Jarnigon (en noir), en prenant soin de dire que ce sont de simples propos citoyens.

La droite demande à la majorité socialiste le remboursement d’une formation suivie au Maroc par un élu PS.

A dire vrai, il ne s’agit pas du remboursement d’une « formation » (au demeurant « gratuite »), mais des frais de déplacement  occasionnés par cette « formation« .

Fin mai, Franck Pichot, vice-président PS en charge de l’égalité des chances au conseil départemental, a suivi une formation de quatre jours à Rabat, au Maroc, dispensée par l’institut Aspen. Cet institut, « qui encourage l’ouverture sur le monde, la prise d’initiative et l’exercice des responsabilités au service du bien commun », a invité l’élu de Redon pour le sensibiliser « aux mutations du monde et aux enjeux internationaux ».

En réalité, par « invitation », il faut entendre sélection sur candidature et recommandation pour cette « formation » qui s’est déroulée en 4 temps :

  1. au château de Mery sur Oise du 25 au 27 septembre 2014
  2. à Fontainebleau du 6 au 8 novembre 2014
  3. à Bruxelles du 14 au 17 janvier 2015
  4. à Rabat du 27 au 30 mai 2015

FP_Mery_sur_oise

Y participait aussi Gaëlle Andro, vice-présidente de Rennes métropole, conseillère municipale de Rennes, également conseillère départementale d’Ille-et-Vilaine.

De son côté, a-t-elle sollicité des « mandats spéciaux » auprès de la Ville de Rennes ou de Rennes métropole, ou bien – au contraire de son collègue – considère t’elle qu’il n’y avait pas lieu ?

« 681 € »

681 € : ce n’est donc pas le coût de la « formation« , ni celui des petites gâteries qui lui ont été associées puisqu’ils sont à la charge de « l’Institut Aspen », mais le seul coût du déplacement qui est laissé à la charge des intéressés.

Le groupe d’opposition au conseil départemental s’est étonné, hier, de ce déplacement : « Au cours de la commission permanente du 20 juillet, la majorité socialiste a tenté de faire voter la prise en charge de ce déplacement au titre des « mandats spéciaux ».

Il y a une parfaite contradiction entre le fait que les « mandats spéciaux » n’étaient pas encore votés et le fait que ces frais auraient déjà été pris en charge puisqu’il en est demandé ci-dessus le remboursement. Et ce, évidemment, d’autant plus que ces déplacements ne se sont pas effectués dans l’urgence…

Par ailleurs, que faut-il entendre par « a tenté de faire voter » ?… Si vote il y a eu, quel est en définitive le résultat du vote ? La majorité a t’elle ou non épousé la position de son président ou bien celle de l’opposition ? Et combien de semaines faudra-t-il attendre pour prendre connaissance de la réponse au recueil des actes administratifs ?

« Ce n’est clairement pas au contribuable d’Ille-et-Vilaine de prendre en charge les « séminaires » des conseillers départementaux quand ils n’ont rien à voir avec leurs prérogatives. » Isabelle le Callennec, la présidente du groupe de la droite et du centre, a demandé le remboursement « des coûts supportés par la collectivité pour le déplacement de Monsieur Pichot, au Maroc, mais aussi à Bruxelles » .

C’est exact : il est régulièrement rappelé que les « mandats spéciaux » doivent avoir un lien direct avec l’intérêt de la collectivité.

On peut par ailleurs s’étonner qu’Aspen motive le fait que le dernier séminaire se soit tenu au Maroc « parce que ce n’est pas toujours aux mêmes de se déplacer » quand on constate que sur 24 auditeurs il n’y avait qu’un seul marocain.

« Régles respectées »

C’est le président du groupe Socialistes et apparentés, le député, François André, qui s’est chargé de la réponse : « De quoi s’agit-il ? D’une somme de 681 € relative à une formation de quatre jours dispensée par la fondation nationale Aspen France pour les élus de toutes tendances. Mme Le Callennec serait-elle contre la formation des élus ? »

L’association « Aspen France » qui se présente comme un institut n’est pas une fondation, mais une simple association 1901 qui se veut en effet non partisane.

Elle est financièrement soutenue par de très nombreux « membres bienfaiteurs » dont la Fondation Mérieux, GDF Suez, EADS, BNP Paribas… (la cotisation de 5.000 €, comme les contributions volontaires en nature : nuitée d’hôtel, financement d’un cocktail, mise à disposition de personnels… est déductible de l’impôt sur les sociétés à hauteur de 60 %).

Au regard des « mandats spéciaux » délivrés ou susceptibles de l’être, il me paraît intéressant de noter qu’Aspen France ne figure pas dans la liste des organismes agréés pour la formation des élus (art. R.1221-12 à R. 1221-22 du code général des collectivités territoriales). Les frais engagés ne peuvent donc pas l’être à ce titre.

François André conclut : « Seuls les frais de déplacement ont été pris en charge par la collectivité, dans le strict respect des règles de droit en vigueur dans ce domaine. Tenter de créer une polémique à ce niveau-là apparaît hors de propos. »

Ce n’est pas vrai, ne serait-ce que parce que le Conseil d’État a rappelé que la délibération confiant un mandat spécial à un élu devait strictement respecter le principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

A fortiori lorsqu’on a exercé la fonction de porte-parole du candidat Nicolas Sarkozy, qui a dépassé de 363 615 € le plafond autorisé de dépenses de campagne.

A mon humble avis, ce n’est pas parce qu’il y en a qui ne s’arrêtent pas au stop que l’on a le droit de brûler les feux rouges.

Vincent JARNIGON.

Je conclus sur trois points :

  • tout ça me rappelle un petit cocktail au large de Koweït City dont on attend encore les premières retombées (Ah, les vaches !…), ou encore certaines sorties annuelles au frais du Medef (Nos « chers » élus »)
  • j’espère que le moment venu la Chambre régionale des comptes saura corriger ce qui ne l’aura pas été spontanément par les premiers intéressés
  • j’engage vivement à prendre connaissance des articles ci-dessous dans lesquels les auteurs (belges) cherchent à situer les prestations d’Aspen France quelque part entre entre « séminaire universitaire, Nouvelle Star, mini-camp scout et Team building » :

A l’école du pouvoir (1ère partie)
A l’école du pouvoir (2 ème partie)
Les Belges s’essaient à la StarAC politique
Aspen, la boîte à dialogue pas comme les autres
Daele à la StarAc du pouvoir à Paris

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