Mon petit point de vue

Rennes, le 30 juillet 2013

à
Monsieur le Président du Conseil Général d’Ille-et-Vilaine
1 Avenue de la Préfecture – CS 24218 – 35042 Rennes Cedex

Monsieur le Président,

Je vous remercie très sincèrement d’avoir bien voulu prendre en considération ma demande d’information concernant le choix d’un gentilé pour les habitants du département d’Ille-et-Vilaine, et je souhaite en premier lieu vous rendre hommage pour votre volonté de transparence.

Indéfectible sympathisant du courant d’opinion auquel vous adhérez vous-même, ayant toujours – par choix de vie – vécu à Rennes où je suis né et connaissant par conséquent tout ce que nous vous devons par ailleurs, je ne m’attendais certes pas à moins.

Mais je trouve qu’il faut vraiment beaucoup courage pour assumer si mauvaise décision.

Car, malheureusement, les documents que vous avez bien voulu me transmettre ne font que mieux révéler les multiples faiblesses de la procédure qui a été finalement retenue.

Ils éclairent en outre assez bien les raisons pour lesquelles l’appellation qui en découle est si décalée par rapport aux attentes des habitants du département, et plus généralement de toutes les personnes qui portent un intérêt à ce sujet.

Permettez moi de vous livrer mon sentiment qui est que, plutôt que de renoncer à la consultation des intéressés, il eût été largement préférable de renoncer à l’adoption d’un gentilé inapproprié.

Je ne méconnais pourtant pas son intérêt théorique, singulièrement au regard de votre préoccupation de pérennité administrative et de renforcement du dynamisme économique de la collectivité territoriale.

Mais j’observe que ce choix de marketing a été fait au complet détriment de l’adhésion des habitants, en allant même jusqu’à rejeter absolument toutes leurs propositions au profit d’une appellation issue d’un imaginaire qui n’a strictement rien de populaire, qui leur a été savamment cachée tout le long de la procédure, et sur laquelle il a été finalement décidé qu’ils n’auraient rien à dire.

Je suis de longue date un observateur attentif et totalement satisfait de votre présidence, et je ne parviens pas à comprendre comment cette question a pu dégénérer en un tel fiasco. Je m’interroge vraiment sur le point de savoir si cela résulte des effets de séduction d’un communiquant ou/et d’une perte de contrôle de l’administration territoriale ou/et d’un mauvais compromis entre les élus du département qu’un vote à mains levées a peut-être permis de masquer.

Sur un point cependant, je partage votre analyse : il n’y avait certes pas lieu de procéder à un « referendum » ou/et à engager une démarche coûteuse en temps, en énergie et en argent, mais en revanche il y avait évidemment lieu d’accorder aux intéressés un minimum de considération, ne serait-ce qu’en les consultant par les voies que vous aviez vous-même annoncées et auxquelles, pour des raisons qui m’échappent, vous avez en définitive renoncé.

Je ne reviens pas ici sur les différences très substantielles qui séparent le rapport de présentation de cette question qui a été adressé aux élus avec l’ordre du jour et le rapport correctif qui leur a été remis sur table le jour même. Elles mériteraient à elles seule un assez long développement. Je constate simplement que le nom finalement adopté est issu d’un comité, dont le Conseil Général a consigné que c’est Monsieur Jacques Delanoë qui en « assume la composition » et dont vous avez vous même indiqué qu’il en assurait non pas l’animation mais la présidence, au titre d’un contrat qui est un marché public passé selon la « procédure adaptée ».

Il est clair que ce comité est essentiellement basé sur la notoriété et fort peu sur la compétence. Il est en outre très audacieux de le prétendre représentatif quand (pour ne prendre qu’un exemple) il ne comporte que 4 femmes pour 8 hommes, sans même compter son président.

Sur le plan méthodologique, il ne semble pas y avoir eu de compte-rendu des échanges, mais nous savons toutefois que la sélection de 3 noms à ce stade résulte d’une addition de rangs.

Or, toute personne un tant soit peu avertie des techniques quantitatives ne pourra que pointer l’indigence du procédé, car l’on sait bien – ou l’on devrait savoir – qu’une simple addition de rangs n’a fort heureusement jamais produit quelque chose pouvant s’apparenter à une opinion… même dans le cas de la conduite d’un groupe dans le cadre d’une démarche véritablement basée sur la méthode Delphi, associant de réels experts managés par un professionnel convenablement formé.

En toutes hypothèses, une chose est certaine, et vous semblez ne pas l’avoir perçue – ou ne pas vouloir la reconnaître – en me faisant observer que « les réactions des habitants recueillies ici et là lors de manifestations sont plutôt bienveillantes ».

Tous les sondages qui ont été effectués ou qui sont en cours témoignent de manière incontestable d’un complet rejet de l’appellation qui a été adoptée, puisqu’elle est récusée par plus de 90 % des personnes qui ont exprimé un avis.

Vous me précisez qu’il « n’y aura pas de « dispositions » destinées à « inculquer » ce gentilé de gré ou de force dans la tête de nos concitoyens ».

Pourquoi dans ce cas avoir changé le bandeau du département sur le réseau Facebook pour afficher dès le lendemain matin « Nous, vous, Tous Bretilliens ! », si ce n’est pour mieux nous convaincre que… nous, vous, tous : nous sommes tous des bretilliens, comme cela a été repris en chœur quelques jours plus tard dans la revue « Nous, vous, Ille » ?

Et pourquoi avoir retenu tant d’extensions du nom de domaine « bretillien » et procédé le jour même au dépôt de la marque « BRETILLIEN » auprès de l’INPI dans les classes 9, 14, 16, 18, 25, 28, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 44 de la classification de Nice, si ce n’est pour en contrôler l’usage ?

Pourquoi, enfin, avoir officiellement « chargé Monsieur Jacques Delanoë de la popularisation du gentilé » dans le cadre de son contrat et, corrélativement, comment pourrait-on expliquer le montant de ses appointements s’ils n’étaient justifiés que par la conduite d’une réunion d’un comité dit d’experts sur la base de sa modeste contribution introductive que vous avez bien voulu me transmettre ?

C’est pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, que je ne peux pas approuver la démarche et secondairement que je ne peux pas reconnaître la pertinence de son résultat.

Si je n’ai pas la prétention de faire changer les choses, au moins aurais je l’honneur de vous avoir apporté le témoignage d’un citoyen, qui s’insurge contre ce qu’il ressent être en grande partie une instrumentalisation de la problématique du gentilé, au profit d’un objectif inavoué de promotion du/des département(s) pour en défendre l’existence.

Monsieur Jacques Delanoë lui-même n’a t’il pas précisé en ouverture de la réunion du comité qu’il a « présidée », en énonçant « ce que doit être le gentilé pour l’Ille-et-Vilaine », que (critère n° 7) : « Le gentilé doit contrer l’idée que les départements vont disparaître » ?…

Je vous remercie de l’attention que vous aurez peut-être portée à ce très long courrier, et vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération la plus distinguée.

                                                                  Patrick Jéhannin

Copie : M. Jacques Delanoë – gérant de l’agence de publicité GFT – 35760 – La Bertaiche – St Grégoire

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