Du galléco sans fard (breton)

J’ai eu la curiosité de comparer le « Rapport d’activité 2015 » que l’association Galléco vient de publier, aux « Rapports d’activité » antérieurs et de le confronter au « Bilan 2015 » qu’elle a adressé au Département.

Voici quelques observations portant sur une sélection d’indicateurs :

Implication des adhérents

Trois « Comités locaux d’animation » ont été créés en 2012, qui ont réuni :

  • en 2013 « en moyenne entre 5 et 10 personnes par rencontre » [1], chacun, toutes les 3 semaines
  • en 2014 « en moyenne une trentaine d’adhérents y participent » [2], au total, une fois par mois
  • en 2015 « en moyenne une vingtaine d’adhérents y participent » [3], au total, une fois par mois

L’implication croissante des adhérents (citoyens et entreprises) ne saute pas aux yeux.

Masse « monétaire »

Du fait des modalités d’intervention de l’association ainsi que de la mise en place de « comptoirs d’échange » bénéficiant de prêts de sa part, les « Rapports d’activité » destinés à l’assemblée générale des adhérents ne permettent pas de démêler les gallécos en circulation des gallécos mis en circulation… et encore moins d’évaluer les gallécos en circulation parce que mis en circulation mais qui ne circulent pas puisqu’ils sont stockés dans les « comptoirs d’échange ».

La confusion a été largement alimentée par l’information officielle et relayée, selon laquelle « l’association avait imprimé l’équivalent de 40.000 euros pour le lancement de la monnaie en septembre 2013. Aujourd’hui l’ensemble des gallécos sont en circulation, un nouveau lot de 60.000 gallécos a donc été imprimé » [4].

En revanche, le « Bilan 2015 » [5] qui a parallèlement été communiqué par l’association Galléco au Département chiffre précisément le « nombre de gallécos en circulation » par période :

  • 35.145 au 1er quadrimestre 2015
  • 30.445 au 2ème quadrimestre 2015
  • 44.640 au 3ème quadrimestre 2015

Selon le « chargé de développement commercial » [6], l’évolution sur la dernière période doit beaucoup à l’engouement qui a accompagné la sortie en salles du film « Demain » au mois de novembre 2015.

On peut toutefois être tenté de mettre ce montant de « gallécos en circulation » fin 2015 (44.640 euros) en relation avec le montant de la subvention de fonctionnement allouée par le Département pour la seule année 2015 (98.500 euros), d’autant qu’une partie des gallécos mis en circulation l’est via le versement d’une partie des salaires subventionnés des deux employés à temps complet de l’association.

Il est regrettable que l’information à la fois la plus simple et la plus pertinente ne soit pas rendue publique : il s’agit du nombre de gallécos « nantis » au 31 décembre 2015, c’est-à-dire gagés auprès du Crédit coopératif par un dépôt de garantie, en d’autres termes : financièrement sécurisés.

Retours en banque

  • Au 31 décembre 2014 : « Ils représentent 65 % des retraits » [2]
  • Au 31 décembre 2015 : « Ces retours représentent 70% des retraits cumulés depuis le lancement de la monnaie en septembre 2013 » [3], alors même que l’association a mis en place un stock de gallécos dans une cinquantaine (!) de « comptoirs d’échange ».

Le moins que l’on puisse dire est que cet indicateur ne témoigne pas d’une claire tendance à privilégier des « circuits courts », en même temps qu’il masque une grande dépendance à l’égard du réseau Biocoop, dont on aimerait vivement connaître l’importance relative dans l’expérimentation : chiffre d’affaires en galléco, taux de retour en banque, données sur les comptoirs d’échange…

Chiffre d’affaires en gallécos

Il n’en est pas fait mention du tout dans le « Rapport d’activité 2015 » [3] destiné aux adhérents, mais dans le « Bilan 2015 » [5] communiqué au Département, l’association indique n’avoir connaissance que d’un montant de 103.300 euros = gallécos. Elle évalue à 60 % le nombre des entreprises lui communiquant cette information (parmi lesquelles celles ayant les plus gros chiffres d’affaires), tandis que le « chargé de développement commercial » a oralement évaluée cette somme (de 103.300 euros = gallécos, par conséquent) le 31 mars 2016 à 80 % du montant réel des transactions. [6]

N’allons pas jusqu’à prétendre que les montants évaporés sont dissimulés au fisc, comme on le craint parfois quand il s’agit de « monnaies locales », mais on comprend bien que dans ces conditions l’association Galléco ne se risque pas à évaluer l’évolution du chiffre d’affaires des entreprises, et encore moins à évaluer l’amélioration de leur résultat d’exploitation… dont on peut au demeurant fortement douter jusqu’à preuve du contraire.

Vitesse de circulation de la « monnaie »

On comprend bien également qu’il soit impossible d’avancer ne serait-ce qu’une vague estimation de la vitesse de circulation des coupons. Les promoteurs des monnaies locales estiment généralement que leur vitesse de circulation devrait être de l’ordre de 7 fois supérieure à celle de l’euro, mais on aimerait déjà être certain que dans le cas d’espèce, la vitesse de circulation du galléco n’est pas sensiblement inférieure à celle de l’euro.

Emploi

Rien n’est dit en ce qui concerne l’emploi, et on ne peut guère s’en étonner.

En dehors des 2 CDD créés dans l’association qui ont été financés par l’impôt et convertis en CDI sans que l’on sache comment ils pourront être financés durablement, bien malin en effet qui pourrait identifier un seul emploi créé ou même simplement préservé dans le département du fait de la création du galléco.

On se contentera donc d’observer que 10 % des entreprises n’ont pas renouvelé en 2015 leur première adhésion au réseau du fait de leur cessation d’activité [3] et [5], et de se réjouir que 10 % de l’ensemble des entreprises du département n’aient pas connu le même sort au cours de la même année… tant s’en faut.

J’en termine en précisant, comme très souvent, que je suis bien naturellement disposé à corriger sans délai toute information qui serait factuellement erronée.

 Pour aller plus loin : ma contribution à l’évaluation du galléco

[1] Rapport d’activité 2013
[2] Rapport d’activité 2014
[3] Rapport d’activité 2015
[4] Communiqué de l’association en date du 8 juillet 2015
[5] Bilan 2015 communiqué au Département
[6] Réunion du 31 mars 2016 à l’éco-domaine de l’Etrillet

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