The « Best of » Brétilie 2014
— Merci de bien vouloir me signaler toute éventuelle inexactitude —
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10 janvier 2014 : la CADA fait savoir qu’elle juge infondée la position du Président du Conseil général, qui refuse obstinément de communiquer les pièces d’un marché passé avec un publicitaire pour « la création et le lancement d’un gentilé pour l’Ille-et-Vilaine », au motif d’un prétendu « secret des affaires » de pure invention.
23 janvier 2014 : il aura donc fallu 112 jours pour que Jean-Louis Tourenne consente à communiquer les « livrables » du marché – par ailleurs plusieurs fois illégal – qu’il a passé en catimini avec Jacques Delanoë le 18 avril 2013.
On comprend mieux cette résistance dès lors que l’on peut constater sur pièces d’une part l’extrême indigence de la prestation (pourtant tarifée 17.940 euros) et d’autre part l’exact objectif poursuivi au travers de l’énoncé des « 7 partis pris stratégiques pour imposer le gentilé Bretillien ».
Mais nous ne saurons jamais rien des notes dites « confidentielles » dont le Département a révélé l’existence au « Mensuel de Rennes », et dont il n’y a pourtant que le tampon « confidentiel » qui soit juridiquement confidentiel.
25 janvier 2014 : lors de l’inauguration du salon du tourisme, François Richou, vice-président du Conseil général qui avait été contraint à un vote « disciplinaire » en dépit de ses convictions, déclare sans détours : « Oublions les Bretilliens et célébrons les Hauts-Bretons »
30 janvier 2014 : publication de l’ouvrage de Jean de Legge, fondateur de l’institut d’études « TMO Régions » et ancien directeur général de la communication de la ville et de la métropole de Rennes, intitulé « Les propagandes nécessaires », qui qualifie le comité de soi-disant experts s’étant prêtés à l’opération de « comité recruté ad hominem sur des critères idéologiques » et poursuit sa réflexion en se demandant : « A quand un hymne départemental ? ».
Car, lorsque « L’acteur politique devient le chef de famille », « Cette mue ravive des souvenirs, celui du chef de famille en son fief, du suzerain sur ses terres ou encore du chef totémique, protecteur de la tribu et porteur de la manne des ancêtres. »
24 février 2014 : (date limite de réception des offres) au prétexte de célébrer le centenaire de la Grande Guerre, le Conseil général commence à nous inventer des ancêtres qu’il baptise à rebours et les médias se révèlent assez friands de ses communiqués au point que la première vice-présidente estimera en fin d’année que ces médias se « délectent » de l’appellation prescrite.
Mieux, le Conseil général lance une consultation en vue de l’exécution d’un marché public « de conception et de réalisation d’un webdocumentaire sur la grande guerre (14-18) en Ille-et-Vilaine », dans lequel « il s’agit de proposer une expérience immersive proche de celle vécue par les Bretilliens et Bretilliennes durant ces années de guerre, grâce à des éléments biographiques (nom, prénom, lieux) proches de la réalité de l’époque » et dans lequel on va même remonter avant-guerre « pour appréhender le quotidien des Brétilliens et Brétilliennes à la fin du XIXème siècle »
Le Président avait bien écrit qu’il « n’y aura pas non plus de dispositions destinées à inculquer ce gentilé dans la tête de nos concitoyens », mais il faut quand même que ça rentre. Et le magazine « Nous, Vous, Ille », qui n’est pourtant pas en reste, n’est diffusé mensuellement qu’à un peu plus de 500.000 exemplaires…
14 mars 2014 : le billet publié sur ce blog sous l’intitulé « Romain Danzé, maire » est lu près de mille fois dans la même journée… ce qui confirme qu’en caressant les footeux dans le sens du poil, on peut les séduire à peu près comme on veut.
17 mars 2014 : gag/pub – d’après TV Rennes (dont le conseil d’administration est présidé par un vice-président du Conseil général) Saint Patrick, « le saint le plus fêté au monde, aurait peut-être des origines breétil(l)iennes »
11 avril 2014 : Au forum de Libé, Erik Orsenna – se moquant rétrospectivement de lui-même – déclare : « Le mot qui a été retenu me semble intéressant, et il valait mieux qu’il soit retenu rapidement avant que ne disparaissent les départements » (déluge de rires partagés avec la salle)
18 avril 2014 : (date anniversaire du marché scélérat) l’imposture est démontrée. Jacques Delanoë n’a participé d’aucune manière, ni directement ni indirectement (ne serait-ce par exemple que par l’intermédiaire de collaborateurs) aux opérations de communication qui ont précédé ou accompagné le changement de nom du département des Côtes d’Armor, ni d’aucune façon à l’adoption de l’appellation Costarmoricain.
14 mai 2014 : Jean-Louis Tourenne n’hésite pas à écrire sur son blog personnel : « En politique, les termes et les mots ne sont jamais neutres. C’est pourquoi, il nous faut être vigilant sur l’utilisation et la compréhension des méthodes d’argumentation dont certains hommes politiques peuvent abuser » (article indexé : démocratie – progrès – rhétorique).
C’est beau.
17 mai 2014 : le directeur départemental du quotidien Ouest-France fait part de sa position personnelle : « En ce qui me concerne, l’emploi de ce mot est dicté par des considérations purement pratiques : Un Bretillien passe plus facilement dans un titre que Un habitant d’Ille-et-Vilaine . Point barre. ».
Sans doute une conception du journalisme.
18 juin 2014 : la Chambre régionale des Comptes de Bretagne accuse sobrement réception de mon « signalement d’infraction » en date du 13 juin : « votre courrier et les pièces-jointes ont été versées au dossier permanent de cette collectivité et seront ainsi à la disposition du magistrat rapporteur au moment du contrôle du département par la chambre régionale des comptes »
juillet-août-septembre 2014 : relâche 😉
18 octobre 2014 : « l’assemblée de Bretagne supprimera le terme Brétillien, c’est certain » (Daniel Cueff – maire de Langouët, conseiller régional et notamment Président de l’établissement public foncier de Bretagne). Traduction : envisager de faire annuler symboliquement la délibération du Conseil général, qui me paraît de toute évidence inconstitutionnelle si ce n’est anticonstitutionnelle.
20 octobre 2014 : Le cabinet de Marilyse Lebranchu, Ministre de la décentralisation et de la fonction publique, que j’ai sollicitée sur le point de « savoir si … cette assemblée délibérante est habilitée à *décider* du nom des habitants, en précisant qu’il s’agit dans le cas d’espèce d’un pur néologisme puisqu’il n’a jamais été utilisé par qui que ce soit, pour quel qu’usage que ce soit, dans quelque contexte que ce soit. » et qu’en outre « Les habitants n’avaient découvert que le lendemain de la délibération le néologisme dont personne – jamais – n’avait entendu parler… puisqu’il avait été tenu secret », m’écrit :
« Il ressort après examen que la question que vous évoquez relève de la Préfecture d’Ille-et-Vilaine 3 avenue de la Préfecture 35026 Rennes à laquelle votre courrier a été transmis pour traiter votre dossier, en lui laissant le soin de vous répondre directement. »
C’est vrai que le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales est par délégation du ressort du Préfet du département.
18 novembre 2014 : clôture d’un « sondage » effectué auprès de 1.328 internautes, dont 1.000 habitants d’Ille-et-Vilaine (dont 205 élus), qui révèle notamment que 23 % seulement des habitants du département connaissent l’appellation que le Conseil général a estimé pouvoir leur donner, que 4 graphies concurrentes co-existent qui font plus ou moins jeu égal, que les 2/3 environ des ressortissants du département déclarant à tort ou à raison connaître le nom des habitants n’envisagent pas de l’utiliser, et qu’en toutes hypothèses les objectifs poursuivis d’identifier les habitants de l’extérieur et de resserrer les liens de l’intérieur, qui sont très loin d’être atteints, resteront probablement illusoires.
3 décembre 2014 : Le Conseil général, qui s’est approprié le nom des habitants en le déposant auprès de l’INPI dès le 20 juin 2013, et qui par ailleurs détient déjà un record de dépôts de noms de domaine, s’offre un brevet de breizhitude en réservant pour un montant de 2 à 300 euros chacun une poignée de bretillien.bzh, bretillienne.bzh, bretilliens.bzh, bretilliennes.bzh, bretilien.bzh, bretilienne.bzh, bretiliens.bzh, bretiliennes.bzh… Au diable l’avarice : ça doit porter le nombre des domaines détenus par le département aux alentours de 640, dont beaucoup (probablement l’immense majorité) ne sont évidemment pas utilisés. Il s’agit simplement de marquer son « territoire ».
4 décembre 2014 : évoquant dans son discours sous la Coupole les objectifs et les effets de tout ce qui s’apparente à de la « novlangue », Mme Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française, rappelle solennellement que « Ni les jeunes, ni les quartiers, pour utiliser un terme propre à la langue de bois, ni les ministres, ni les énarques, ni les banquiers, ni combien d’autres groupes de pression qu’on n’en finirait pas d’énumérer, ne doivent commander la vie de la langue et ses évolutions … Toutes les vaines querelles contemporaines, autour de l’autorité ayant le droit de modifier la langue – Académie, gouvernement, groupes divers – ne sont guère pertinentes. En matière de langue, l’usage seul est roi, il est la loi et l’Académie a l’autorité pour dire ce qu’est l’usage. »
15 décembre : le cabinet de Marylise Lebranchu rappelle au Préfet d’Ille-et-Vilaine que ma correspondance en date du 14 octobre 2014 lui a été transmise pour attribution, en lui laissant le soin de me répondre directement : ça n’a pas l’air facile de le faire sur un plan juridique, et puis ce n’est peut-être pas très agréable d’avoir à constater que quelqu’un d’autre a décidé du nom des habitants de son propre territoire.
19 décembre 2014 : dans le cas précis de l’appellation des habitants d’Ille-et-Vilaine, l’Académie française rappelle sa position déjà affirmée par courriers des 1er et 9 décembre, qui est que : « En toute chose, c’est l’usage qui prévaut et il arrive qu’il n’y ait pas de noms particuliers pour les habitants d’une commune, d’un département, d’une région. La périphrase habitant de… est parfaitement correcte et n’est en rien dévalorisante. »
Question existentielle : l’appellation en usage pour désigner les habitants d’Ille-et-Vilaine ne serait–elle pas tout simplement les « habitants d’Ille-et-Vilaine » ?…
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Allez, on se détend !…
Il y a déjà bien longtemps que l’Ille-et-Vilaine est une « banlieue du Brésil » (clic)
😉