Lettre ouverte à Erik Orsenna

Le 2 Mars 2014

MARTIN Daniel
xx  xxxxxx xxxxxxx xxxxxxx
35000 RENNES
à
Monsieur Erik ORSENNA
 
 

Cher Monsieur Orsenna,

Je me permets de vous adresser cette lettre non parce que je suis un de vos fidèles lecteurs, non parce que j’admire vos engagements politiques et humanitaires, non parce que vous êtes un ardent promoteur et défenseur de la langue française mais parce que j’ai le sentiment que votre notoriété est utilisée, sans doute à votre insu, pour justifier une décision que je considère comme contestable dans le fond et comme abusive et antidémocratique dans la forme.

Je suis un habitant du département d’ Ille et Vilaine et, depuis le 20 juin 2013, les élus du Conseil Général ont décidé que les habitants de ce département seraient désignés sous le terme de Bretilliens ou Brétilliens. La prononciation est très aléatoire… !

Je ne m’étendrai pas sur ce terme qui, s’il réaffirme notre identité bretonne et rappelle que l’Ille coule sur notre territoire, n’en exclut pas moins le fleuve dont le nom Vilaine, certes connoté péjorativement, évoque une ruralité dont nous n’avons pas à être honteux. Fils de paysan je revendique le terme de vilain  qui désignait un paysan libre.

Au delà de ce débat, ce qui me choque profondément c’est la procédure suivie pour l’adoption de ce gentilé.

Initialement, en janvier 2013, Monsieur TOURENNE Président du Conseil Général avait défini une procédure qui, pour être discutable sur certains points (la composition du groupe d’experts telle qu’elle a été constituée) prévoyait la consultation des habitants (cf. document 1 ci joint).

Or, le 20 juin 2013, le rapporteur de cette question au Conseil Général, s’appuyant sur les conclusions du groupe d’experts soumises à l’avis de la commission des finances, propose aux élus du Département un choix de 2 noms. Le terme Bretillien est adopté à une large majorité des élus. Sur proposition de son Président le Conseil Général estime alors que la consultation des habitants n’est plus nécessaire et met en place, avec l’aide active des médias, (TV RENNES, OUEST FRANCE…) toute une stratégie pour « incruster » ce gentilé dans la tête des habitants du département (cf. document 2). Il faut  noter que le jour même, la proposition initiale de consultation des habitants disparaît du site du Conseil Général.

Mon ami Patrick Jehannin qui a créé un site « être ou ne pas être bretillien » a dû saisir la CADA pour que lui soit communiquée une partie des documents du marché passé « sans publicité ni mise en concurrence » entre le Président du Conseil Général et Monsieur Jacques DELANOE, communicant, et par ailleurs promu Président de la commission d’experts chargée d’inventer ce gentilé.

L’un de ces documents : 7 partis pris stratégiques pour imposer le gentilé brétillien, débute par un avant propos dans lequel votre collaboration précieuse dans cette démarche est évoquée : « la fin du lancement (du gentilé) a été largement en notre faveur avec la grande interview hyper positive d’Erik Orsenna dans Ouest France » (cf. document 3)

Il apparaît à travers d’autres documents que la volonté de créer ce gentilé, répond au désir de donner une forte identité départementale à un moment où cette collectivité territoriale est (à mon avis, fort justement) remise en question. 
J’ai le sentiment que dans l’interview que vous avez accordée à OUEST FRANCE, vous vous êtes davantage exprimé en académicien amoureux de la langue, prêt à accueillir un nouveau mot, mettant momentanément de côté votre opinion sur la nécessité de la remise en question des départements dans le mille feuilles administratif. Utiliser votre notoriété pour justifier une décision excluant la consultation légitime des citoyens me paraît pour le moins un abus de confiance.

Peut-être ai-je mal interprété votre intervention ? Auquel cas je vous prie de m’excuser d’avoir abusé de votre temps par la lecture de ce courrier.

Quel que soit votre avis je n’en resterai pas moins un de vos fidèles lecteurs et je n’en continuerai pas moins à tenter d’agir pour que les citoyens ne soient pas considérés comme de la « vilaine » piétaille à qui l’on peut mentir, que l’on peut manipuler et faire penser ce que l’on veut qu’elle pense. Certes ce n’est pas « la Police de la pensée » mais ça ressemble à une modélisation des esprits..

Une petite anecdote significative pour sourire et conclure : à Patrick Jehannin qui lui demandait pourquoi il n’y avait pas eu consultation, M Tourenne a répondu le 14 octobre 2013 : « mais Monsieur, si vous consultez et que les gens ne sont pas d’accord, alors après, comment vous faites ? ». Je crois hélas que cette réponse est symptomatique du mépris d’une partie de la classe politique actuelle à l’égard des citoyens.

Bien entendu une réponse, même brève, me ferait plaisir….

Je vous prie d’agréer, cher Monsieur Orsenna, l’expression de mes très respectueuses salutations.

Daniel MARTIN

document publié avec l’aimable autorisation de Daniel Martin

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