Je ne voudrais pas être vache

Le vendredi 15 novembre 2013, Ouest-France a publié en ligne un article intitulé

« L’Ille-et-Vilaine signe un gros contrat avec le Koweit »

avant que 5 jours plus tard l’Assemblée des départements de France (rien que ça) publie en ligne à son tour un article tout aussi flatteur intitulé

« Un gros contrat signé avec le Koweit ».

Voilà donc un département qui sait se vendre, et pas n’importe comment : « Ce renforcement des capacités koweïtiennes de productions animales, entièrement pris en charge par l’émirat, profitera aux entreprises bretilliennes et bretonnes et sera créateur d’emplois et de richesse pour nos territoires. » (Jean-Louis Tourenne)

Parenthèse : personnellement j’ai du mal à comprendre l’expression « entreprises bretilliennes et bretonnes » (je connais parfaitement la notion de « OU inclusif », mais je ne connais pas la notion de « ET inclusif ou exclusif »), comme d’ailleurs l’expression « nos territoires » qui est de la même veine (de mon point de vue, c’est de la confusion mentale)… mais peut-être qu’à force d’intoxication et de guerre lasse, je finirai par admettre un jour qu’en Ille-et-Vilaine, on est en Bretagne en faisant mine d’être en Bretagne mais sans être vraiment en Bretagne… puisque c’est clairement ça que l’on me demande d’admettre depuis l’adoption du « portrait identitaire » issu de l’intervention de la société « CoManaging » (ça ne s’invente pas) qui nous a coûté une fortune. Fermez la parenthèse.

Mais revenons à nos… vaches : « 2 000 vaches et chèvres laitières, des machines, de l’équipement d’exploitation agricole, de l’alimentation animale… La liste d’achat du National Livestock Equipment, le principal acheteur koweïtien, a de quoi faire saliver les entreprises locales. Car il s’agit d’équiper dès maintenant une cinquantaine d’exploitations de 800 vaches au Koweit, une centaine à court terme. »

Mieux encore… dans un article à peine moins dithyrambique, en première ligne des pages Ille-et-Vilaine de son édition papier du 16 et 17 novembre, Ouest-France titre le même sujet dans ses plus gros caractères :

« Des vaches bretilliennes bientôt dans le désert ! ».

des-vaches-bretilliennes-bientot-dans-le-desert

Comment dit-on cocorico meeuuuuuuuuuuuuuh en bretillien ?

Il faudra que je me renseigne, mais je ne serais pas surpris que le Conseil général ait déjà fait imprimer des cocardes « Fière d’être Bretillienne », un peu comme il l’avait fait – souvenez vous – pour le passage du Tour de France « Fier d’être Bretillien » (ce n’est pas très cher).

L’ennui… c’est que, n’en déplaisent aux autorités départementales, « Si M. et Mme Al-Dhubaibi repartent avec de nombreux projets de commande, ils regrettent de ne pas trouver en Bretagne de réponse satisfaisante à leur recherche de bétail. »

(communiqué CG35 du 15-11, publié le 19-11 : après que les coups soient partis)
 

Et tout ça n’a pas empêché le Conseil général d’une part et le Président du Conseil général en personne d’autre part de re-twitter le mensonge :

retweet_JLT

 

La vérité, enfin moi ce que j’en dis… c’est que les koweitiens n’ont pas de très bons yeux, car il ne fait pas de doute qu’en Ille-et-Vilaine :

nous sommes tous… absolument tous des « vaches à lait »

Je le prouve…

Si l’on en croit Ouest-France, « L’affaire a démarré en janvier 2012, quand une délégation d’élus et de chefs d’entreprise d’Ille-et-Vilaine s’est rendue au Koweit pour évaluer le potentiel d’affaires à réaliser avec ce riche état du Golfe ».

« L’affaire » a en effet débuté lorsque – à la demande du Conseil général – la « CCI Région Bretagne pour le compte de la CCI international » a organisé en janvier 2012 un petit « coquetèle » (sic) au port de Koweit City , auquel participaient notamment 3 conseillers généraux (Jean-Louis Tourenne, Janine Huon et Jean-Françis Richeux) sur la frégate « La Motte Picquet » qui y faisait escale (un bâtiment parrainé par la Ville de Rennes depuis 1987 : coup de bol, parce qu’il n’avait jamais fait ça avant)

Dans les milieux avertis, on appelle ça « prendre toute sa place dans le soutien aux entreprises » et « dans cette période difficile » : « se battre sur tous les fronts », le département « se prévalant de sa clause de compétence générale » pour démontrer « qu’il est un acteur à part entière du développement économique »

Bonjour la gabegie dans les départements !…

Si la Marine Nationale a mis son navire à disposition pour cette petite réception « dans un cadre de prestige », et si d’autres y sont allés de leur poche également, le Conseil général s’est fendu pour sa part d’une subvention de 10.000 euros au profit de la CCI internationale pour qu’elle organise un petit « speed dating » du 17 au 20 janvier 2012… ce qui a eu le mérite de couvrir les frais de déplacement de nos élus sans que cela apparaisse en tant que tel dans le budget départemental (commission permanente du 27 février 2012 : vous savez bien que nous sommes un des départements de France qui a le moins de dépenses de communication… sans rire).

Et puis ensuite : du 4 au 8 juin 2012, on a envoyé des « experts », toujours via la « CCI International » à qui on a versé 20.000 euros de participation à leurs frais de déplacement (commission permanente du 23 juillet 2012).

Et puis après, à peine avait t’on décidé le 20 juin 2013 qu’en étant « Bretilliens », on serait beaucoup-beaucoup plus compétitifs au-delà de notre territoire, on a réservé 20.000 euros de plus pour « dépenses prévisionnelles générées par l’organisation du déplacement d’une délégation d’experts puis d’élus » au Koweit (commission permanente du 24 juin 2013).

Je sais bien que 50.000 euros, ce n’est rien dans le budget du département, et que c’est même trois fois rien puisque les 15.000 euros hors taxe du marché passé avec Jacques Delanoë pour « la création et le lancement d’un gentilé pour le département d’Ille-et-Vilaine », ce n’était déjà « rien ».

Mais ce n’est vraiment pas de chance que nous n’ayons pas encore réussi à signer la convention cadre de partenariat avec le Koweit (que nous devions signer dès septembre 2012), parce que c’est elle qui conditionne toute avancée dans des domaines particuliers.

J’avoue que, dans l’attente, je ne sais vraiment pas bien quoi espérer… si ce n’est par ailleurs un minimum de reconnaissance pour nos danses du ventre au Quatar à Dubaï ?…

Au vu de l’évolution des subventions aux associations ces dernières années (dont le MEDEF, justement, pour aller au Quatar à Dubaï), je vais quand même être obligé de revenir sur cette dernière question… mais chaque chose en son temps.

PS : je ne cesse de le dire, mais si toutefois vous déceliez une erreur factuelle dans mes contributions, il faudrait me le signaler et je corrigerai sur le champ.

Tous commentaires ici bienvenus de la part des personnes assumant leur identité