A l'image de la marque 64

Le jour même de l’adoption du gentilé par l’assemblée départementale, qui est intervenue le 20 juin 2013 vers 17h45, le département a effectué dans la soirée – via son mandataire habituel – une demande de dépôt de la marque « BRETILLIEN » auprès de l’INPI.

On ne peut qu’être bluffé par la célérité.

On notera qu’il ne s’agit pas cette fois du dépôt d’une marque collective, c’est-à-dire d’une marque utilisée par des personnes indépendantes les unes des autres, qui s’engagent à respecter un règlement d’usage et qui est destinée à garantir une certaine qualité aux consommateurs.

Non, il s’agit d’une marque industrielle et commerciale « standard » qui confère pour 10 ans un monopole d’exploitation à son propriétaire, pour un très grand nombre de produits et de services, puisqu’elle a été déposée pour les classes 9,14,16,18,25,28,35,36,37,39,40,41,42,43, et 44 de la classification dite de Nice.

L’histoire ne dit pas si le département a réellement l’intention de l’exploiter, de la transmettre ou d’en céder la  licence… mais que l’on ne nous fasse pas croire qu’il s’agit d’un dépôt visant à dissuader d’autres déposants potentiels, car en ce qui concerne les marques, les collectivités territoriales bénéficient de diverses protections prévues par la loi.

Ce qui est sûr, c’est que le 29 juin 2013 (date à laquelle nous sommes toujours dans l’attente de l’approbation de la demande de dépôt, qui interviendra le 12 juillet 2013 au terme des formalités habituelles), on peut lire ceci sur le site du journal Libération :

« A l’image de la marque 64 en Pyrénées-Atlantiques – département qui n’a d’ailleurs pas de gentilé et où cohabitent Basques et Béarnais-, Jacques Delanoë imagine même une future marque «Brétillien» »

En ce qui me concerne, j’ai vraiment peine à admettre que l’on puisse présenter la marque 64 comme un modèle à suivre.

Il s’agit concrètement d’une marque adossée au numéro d’un département, qui se situe – du point de vue du consommateur – au croisement d’aspirations identitaires et de besoins de sécurité sur la provenance des produits.

Il s’agit surtout selon moi du prototype de marque opportuniste, propriété d’une société privée sans grands scrupules… puisqu’elle a déposé auprès de l’INPI de très nombreux numéros de département, ayant par exemple pour effet d’interdire aux finistériens d’apposer le nombre 29 sur les tee-shirts de leur fabrication.

Rien que pour le département du Finistère, il aura quand même fallu deux procès pour revenir sur cet abus de position après plusieurs années de procédures.

Présenter la marque « 64 » comme un modèle pour la marque « Bretillien », c’est promouvoir un environnement dans lequel telle ou telle société privée déposerait auprès de l’INPI tous les gentilés des départements, comme la société « Bil Toki et Moore » l’a effectué pour leurs numéros.

La voie est libre, puisqu’à une seule exception près (qui a une raison d’être, parfaitement cohérente) aucun département n’a jusqu’à présent eu l’audace – et surtout l’indélicatesse – de déposer le gentilé de ses habitants comme on peut déposer sans état d’âme un numéro de département ou même le nom d’un territoire.

Il ne reste plus qu’à espérer qu‘en dehors de Jacques Delanoë, les autres publicitaires ont bien compris que les habitants ne sont pas des choses et encore moins des marchandises.

  • Effectivement, cela n’est pas l’exemple à suivre! j’avais trouvé un peu lamentable de la part de cette société de déposé de nombreux numéros de département ( comme l’a fait le CG en déposant différents noms de domaine avant les résultats). C’est purement commercial et nullement identitaire; nous ne menons pas le même « combat »
    .

  • Au fait, sais tu que le « conseil général d’Ille-et-Vilaine » détient (et par conséquent paie une redevance annuelle pour) 332 noms de domaine (la plupart inutilisés), dont 101 .com, 64 .net et 167 autres (.org, .biz, .info…), qui s’ajoutent aux 150 noms de domaine qui sont détenus sous le nom du « département d’Ille-et-Vilaine », et tout cela sans compter les noms de domaine en .eu (dont par exemple bretillien.eu) ?…

    Bref, au total à coup sûr plus de 500 noms de domaine dont on pourrait semble t’il le plus souvent faire l’économie.

    A titre de comparaison, la même recherche sur les autres départements bretons, hors .eu, donne les résultats suivants :

    – Côtes d’Armor : 1 + 2 = 3
    – Finistère : 7 + 23 = 30
    – Morbihan : 33 + 49 = 82

  • Le dernier exemple de gabegie : la 5ème commission du conseil général a exclu la proposition de gentilé « Britillien » le lundi 17 juin au matin, mais ça n’a pas empêché le conseil général d’acheter les noms de domaine britillien.com, britillien.fr, britillien.net, britillien.org, britillien.info… et même britillien.eu à 3:07 de l’après-midi.

    Au diable l’avarice !…

Tous commentaires ici bienvenus de la part des personnes assumant leur identité